Lettres du front d'André Josse
André Charles Paul Josse est né le 5 septembre 1892 à Pont-l'Evêque, fils de Paul Josse, commis de perception, et de Justine Aubrée. Au moment de son incorporation dans l’armée pour le service militaire, il réside à Paris car il est élève à l'école des arts et métiers.
Il incorpore le 165e régiment d'infanterie le 9 octobre 1913 à Verdun. Il est nommé caporal le 14 avril 1914 et sera sergent fourrier le 7 juin 1915.
En 1921, une tuberculose pulmonaire est diagnostiquée. André Josse est en mauvais état général et son coude gauche est très déformé.
Après son hospitalisation à Limoges, il décide de s’y installer et va vivre à Aixe-sur-Vienne. Il devient ingénieur et épouse Catherine Augey en 1925. Il décède le 16 août 1945 à l’âge de 53 ans.
De 1914 à 1916, il écrit des lettres à sa famille pour leur faire part de ses activités sur le front. Nous les avons retranscrites ci-dessous en respectant le style d’André Josse.
Lettre 1
Glorieux, le 23 août 1914
Chers parents,
2 mots seulement pour vous dire que nous partons demain à 3 heures pour Ville-en-Woëvre (Meuse), je ne sais ce que nous y allons faire, aussitôt que je le pourrai je vous écrirai mais je ne sais quand. Écrivez toujours à Glorieux avec la mention faire suivre. Je me porte bien, j'espère qu'il en est de même pour vous.
Bien le bonjour à tous,
Mes meilleurs baisers,
André.
Lettre 2
21 septembre 1914 à Jardin-Fontaine (caserne de Verdun)
Chers parents,
Il y a bientôt un mois que je n'ai pas reçu de vos nouvelles. Je ne m'en inquiète pas outre mesure. Cependant, les communications n'étant pas très faciles et ma situation ne s'y prêtant guère. J’espère que vous allez tous bien malgré le temps et que la guerre n'a pas trop influé sur votre vie. Il est vrai que le commerce ne doit guère aller mais à côté de ces pauvres gens de la frontière, vous êtes certainement très heureux par là-bas.Si je ne vous ai pas écrit depuis 15 ou 20 jours c'est que ce ne m'était guère facile, les communications ne sont d'ailleurs rétablies que depuis une huitaine et le papier à lettres est un peu difficile à se procurer. J'ai cependant pu en avoir une feuille en attendant d'autres.
Il y a exactement hier 2 semaines, nous sommes allés au feu à l'ouest de Verdun pour attaquer une colonne qui battait en retraite. Nous devions la prendre sur le flanc, nous sommes partis de Glorieux vers 6 heures et nous avons commencé l'attaque vers 2h de l'après-midi. Nous étions en tirailleurs lorsque vers 4h j'ai été blessé d'une balle à la cuisse, rien de grave d'ailleurs, puisque j’ai pu faire 4 km à pied pour rejoindre un petit patelin en arrière. De là j'ai été dirigé sur Verdun en chemin de fer, puis sur un hôpital où l'on m'a pansé de nouveau puis couché. J'ai passé une nuit excellente, j'étais un peu fatigué d'ailleurs. Je suis resté 3 jours à cet hôpital (St Nicolas) où nous étions très bien soignés, ensuite je suis venu où je suis maintenant au dépôt des éclopés à Jardin-Fontaine à 1 km de Glorieux. Maintenant cela va à peu près. J'en ai encore pour quelques jours avant d'avoir toute ma souplesse dans la jambe et ça va tout à fait bien. Vous voyez que ce n'était pas bien grave et qu'il n'y a pas lieu de vous faire de la bile.
Je n'étais guère décidé à vous dire cela, c'est pourquoi j'ai attendu d'être guéri mais au moins vous pourrez avoir confiance en ce que je vous dirai, je vous écrirai tout ce qui pourra m’arriver de bien ou de mal mais j'espère que maintenant que ça va très bien, il n'y en a guère pour longtemps d'ailleurs car je crois que l'Allemagne est malade.
J'ai mon copain Rinecht qui a été blessé légèrement à l'arcade sourcilière mais il a rejoint la compagnie, ce n'était rien. L'autre, Josselin, s'en est tiré sain et sauf et il est nommé sergent.Moi je reste caporal contrairement à ce que pensait Yvonne.Je ne pense pas que Langlois ait été blessé ou je n'en ai pas entendu parler et je ne l'ai pas vu ici.
Si vous pouvez, envoyez-moi un peu d'argent en lettre recommandée, mais pas de mandats ni de bons, des billets de 5F c’est plus facile à écouler. Ecrivez-moi à l'adresse suivante :
A. Josse – 165e Régiment d'Infanterie4e compagnie – Verdun sur Meuse
car la compagnie n'est plus à Glorieux mais à Thierville tout auprès.
Excusez-moi auprès de tous car je n'écris pas, souhaitez-leur bien le bonjour. Je n'ai pas besoin de les nommer, vous les connaissez.
A bientôt de vos nouvelles et surtout ne vous effrayez pas, vous voyez qu'il n'y a pas de quoi puisque je suis prêt à recommencer.
Encore une fois le bonjour à tous et des nouvelles.
Je vous embrasse de grand cœur.
André.
Lettre 3
Charny, le 19 novembre 1914
Chers parents,
Quelques mots seulement pour vous dire que je ne suis pas mort, nous sommes toujours à Charny au cantonnement. Depuis que nous sommes arrivés, je fais l'ordinaire, et depuis 3 jours je vais à Verdun en voiture chercher des légumes pour la compagnie, j'en rapporte de 3 à [mot effacé] kilos par jour. Aujourd’hui, je suis resté et j'en profite pour vous écrire car autrement mes journées sont bien remplies, d'autant plus que les légumes sont très difficiles à trouver, c'est avec bien du mal que j'ai acheté pour 200 kilos de patates, 21 kilos de carottes etc. On ne trouve ni haricots, ni pois cassés, ni lentilles, les pommes sont vendus 3 sous le kilo, les haricots 12 sous, les oignons 6 sous, les choux 3 sous, les carottes 6 sous. Je crois que vous voilà renseignés, vous voyez si je deviens fort.Autrement, voilà l'hiver qui vient, il gèle très fort ici mais c'est préférable à de la pluie de beaucoup. Envoyez-moi un cache-nez cependant ainsi qu'un bonnet de coton, s'il y en a encore 2 ou 3 paires de chaussettes laine et coton. On m'a dit que pour avoir chaud aux pieds il fallait mettre 2 paires, une laine et une coton. Nous avons de la veine d'être au cantonnement car nous dormons à l'abri et au chaud. Combien cela durera-t-il, on ne sait.
Bien le bonjour à tous, à bientôt de vos nouvelles.
En attendant je vous embrasse de tout cœur.
André
J'espère que vous allez tous bien ?
Lettre 4
Le 3 décembre 1914
Chers parents,
J'ai bien reçu la carte recommandée de Suzanne ainsi que votre dernière lettre. Je vous remercie de tout cœur de vos souhaits de bonne fête, il est vrai qu'elle ne fut guère joyeuse. Je n'ai pas encore reçu le paquet que vous m'annoncez mais cela ne devrait guère tarder. Comme je couche dans la paille, je me servirai du bonnet de coton pour coucher ce me sera plus commode que mon calot. Comme vous le voyez je ne suis pas encore mort et n'ai même pas surtout envie de l'être. D’ailleurs, si quelquefois cela m'arrivait, je vous l'écrirais aussitôt. Plaisanterie à part, nous sommes toujours à Charny et je suis toujours caporal d'ordinaire aussi je ne me fais pas beaucoup de bile pour l'instant.On vaccine en ce moment tout le régiment au vaccin anti-typhique, mesure préventive simplement par ces mauvais temps. Il pleut toujours d'ailleurs mais le froid est moins vif.Je ne vois guère autre chose à vous dire pour l'instant que de souhaiter le bonjour à tous.
En attendant de vos nouvelles, je vous embrasse affectueusement.
André.
PS : j'ai reçu également la photo de mes sœurs (et du garde) effectivement comme le dit Suzanne la pose est « en plein » réussie et ne peut d'ailleurs en être autrement sans flatterie et avec le sourire. Cela m'a fait bien plaisir quand même, vous avez eu une charmante idée.
Lettre 5
Mercredi 16 décembre 1914
Chers parents,
Excusez-moi si je ne vous ai pas écrit plus tôt, je voulais le faire lundi mais je n'ai pas pu, je vais vous en dire la cause tout à l'heure.
Dimanche soir, j'ai reçu le paquet que vous m'avez envoyé pour ma fête, je vous remercie de votre envoi, le cache-nez surtout a déjà bien rempli son office, il arrivait à point, quant à l'eau de vie il n'y en a plus voilà longtemps, mon copain Ruecht d'ailleurs passé caporal fourrier depuis 15 jours m’a aidé à la liquider. Pour une fois nous avons attrapé le « filon » ensemble, il reste maintenant à Charny au lieu de monter aux travaux avec la compagnie, ce qui fait que nous sommes tous les deux ensemble toute la journée, on ne peut rêver mieux. Pour l'instant, nous n'y sommes point à Charny, lundi à 3h (et voilà pourquoi je n'ai pas pu vous écrire) nous avons eu alerte en pleine nuit naturellement et nous sommes allés à 7 ou 8 kilomètres prendre position dans un bois en réserve, à 6h au milieu du calme le plus complet. Un coup de canon de nos 120 éclate suivi aussitôt d'une salve nourrie qui a bien duré sans arrêter une minute jusqu'à 13h, le 3e bataillon du 165e faisait l'attaque des « Jumellesd'Ornes »[Cette colline qui culmine à 310 m à Etain, dite les jumelles d’Ornes a été le lieu de violents combats le 14 décembre 1914.] appuyé par le 365 et le 164. Les Jumelles sont deux hauteurs rondes, une salière retournée si vous voulez, ces 2 hauteurs tombent à pic sur la plaine de la Woëvre et la commandent par conséquent à une grande distance, ce qui en fait une position stratégique importante. A midi, la première était à nous avec le drapeau français planté au sommet, à 1h la seconde était presque acquise lorsqu'il est arrivé du côté allemand 3 régiments de renfort, il ne fut plus possible de tenir et un cri de « en arrière » ayant été poussé ce fut la retraite énergique. Cependant ils se fusillaient à [mot effacé] , les blessures étaient horribles pour certains mais il est inutile que je vous les décrive, il y eut 600 hommes hors de combat de notre côté mais les boches en ont eu au moins autant. La 10e compagnie est revenue avec 80 hommes sur 220 à 240, nous autres nous n'avons pas bougé. Le soir je suis allé faire la cuisine avec mes 16 cuisiniers dans une ferme à 1 km en arrière. Toute la nuit il est arrivé des blessés et le lendemain, on en ramassait encore, il y a eu 18 prisonniers boches, j'en ai vu 7 arriver le soir pour être conduits à Verdun, les diables n'ont pas l'air de souffrir. Ils ont encore joué le coup de la crosse en l'air au nombre d'une compagnie et arrivés à bonne portée se sont couchés et se sont mis à flanquer des feux de salve au 365 pendant qu'une autre compagnie tirait d'enfilade.
En attendant de vos nouvelles, je vous embrasse de tout cœur.
André.
Lettre 6
Le 5 mars 1915
Chers parents,
J'ai reçu la lettre d'Yvonne hier, je vois que ça ne va guère chez Émile, enfin, il faut espérer que ce ne sera rien, tout au moins que cette pauvre Simone se guérira. Vous ne me parlez pas de votre santé je pense donc que vous allez tous bien, moi ça ne va pas trop mal quoi qu'il y ait 11 jours que nous marchons presque sans arrêter. Il y a 5 jours nous étions au repos depuis 2 jours lorsque nous avons une alerte. Nos tranchées étaient prises par les boches au 2e bataillon, il fallait les reprendre. Nous avons eu de la neige presque continuellement, c'est vous dire que ce fut intéressant. Donc le dimanche soir il y eut 3 contre-attaques de notre part sans résultat. Nous autres n'avons pas marché car nous avions été vaccinés la veille ; maintenant nous faisons de nouvelles tranchées en face des anciennes. La 4e compagnie est en 2e ligne dans des tranchées de repli.
Nous sommes encore là pour 4 jours paraît-il, ce n'est guère drôle mais c'est la guerre.
N'empêche que depuis 11 jours nous n'avons guère dormi. Quant à l'uniforme c'est plutôt disparate, moi j'ai encore ma vieille capote du début et un pantalon de velours noir, il n'y en a presque plus de rouges, il y en a même qui en ont des civils.
Quand nous serons rentrés, je vous enverrai une autre lettre.
Bien le bonjour à tous de ma part et à bientôt le plaisir de vous lire.
En attendant je vous embrasse bien fort.
André.
PS : Envoyez moi 20 ou 30 francs car les fonds commencent à baisser. Merci d'avance. Envoyez-moi aussi si vous voulez un couvre-tête et épaules en caoutchouc mais pas de vêtements, la saison est trop avancée maintenant.
Lettre 7
Le 14 juillet 1915
Chers parents,
Triste 14 juillet, en guerre et qui plus est aux avant-postes, enfin il faut s'incliner puisque nous n'y pouvons rien. Je me porte toujours bien, j'espère que chez vous c'est la même chose. Ici il n'y a pas grand chose de nouveau, c'est toujours très tranquille. Quant aux permissions, nous ne savons encore rien d'officiel, aussi vaut-il mieux ne pas y compter, ça ne les empêchera peut-être pas de venir.
J'ai reçu des nouvelles de mon copain Ti Louis, il va de mieux en mieux mais il n'est pas encore guéri, il sera traité d'ici peu par la mécanothérapie.
Vous me disiez ce qu'il y avait dans mon colis du 11 juin pour Langlois, je n'en sais absolument rien.Bien le bonjour à tous de ma part.
Je vous embrasse de tout cœur en attendant « peut-être » le bonjour de vous voir.
André.
Lettre 8
Carte en franchise – correspondance des armées de la République
4 octobre 1915
Chers parents,
Je vous envoie notre nouvelle adresse, il n'y a rien de changé que le numéro du secteur. Nous attendons les événements, il paraît que ça ne marche pas mal.
Le bonjour à tous.
Je vous embrasse.
André Josse.
Lettre 9
Le 9 octobre 1915
Chers parents,
J'ai bien reçu votre lettre du 4 octobre, nous sommes en ce moment au sud de Verdun, le régiment fait des travaux de défense aussi ce n'est guère dangereux comme vous pouvez vous en douter. Nous sommes là depuis 5 ou 6 jours, mais je ne sais pas pour combien de temps. La vie est à peu prês tranquille, nous restons nous autres toujours au cantonnement.
Pour ce que j'ai besoin en ce moment, vous pourriez m'envoyer un colis, voilà à peu près les choses qui me seraient utiles : des flanelles, du savon ou plutôt une savonnette, une petite bouteille de teinture d'iode, du papier à lettres, une brosse à dents, un savon dentifrice Gibls, un porte-monnaie car le mien s'en va en morceaux, un peu d'eau de Cologne et enfin une bouteille de lotion comme celle que j'ai emportée pour la tête, également un manteau en caoutchouc avec manches autant que possible si vous pouvez en trouver.
C'est à peu près tout ce que je vois qui me serait utile. Si vous voulez m'envoyer aussi un peu d'argent, j'en aurai probablement besoin car on se déplacera encore certainement.J'ai reçu des nouvelles de Ruecht il y a quelques jours, il est toujours à Uriage et espère avoir bientôt un congé de convalescence. Il va naturellement de mieux en mieux et a reçu le colis, il m'a même chargé de vous remercier.
Bien le bonjour à tous, parents etamis et à bientôt de vos nouvelles.
Je vous embrasse de tout coeur.
A. Josse.
Lettre 10
Le 4 novembre 1915
Chers parents,
J'ai reçu la dernière carte de maman datée du 27. Ce que vous ferez sera bien pour les affaires que je vous ai demandées, mais c'est vous qui n'avez pas compris ma réponse. J'avais trouvé les prix beaucoup trop chers, j'avais cru en vous le demandant que cela coûtait tout au plus 10 ou 15 francs, enfin faites comme vous le déciderez.Nous sommes en ce moment dans la Woëvre à la même place que l'année dernière au 6 octobre ou à peu près. Ce n'est pas très gai car il y a une boue !! Enfin il faut espérer que la guerre ne va pas toujours durer. Vous savez peut-être que les soldats ont été augmentés de 4 sous, mais ces braves soldats n'ont encore rien touché et nous on nous a diminué de 5 sous, mais à l'inverse des hommes, nous "avons touché" la diminution, cela fait 2 .... par prêt c'est déjà appréciable. Autrement il n'y a rien de neuf, il est vrai que c'est suffisant.
Nous allons dimanche soir au repos, pour 8 jours.
J'espère que ma lettre vous trouvera tous en bonne santé, moi je me porte bien.
En attendant de vos nouvelles, je vous embrasse de tout coeur.
André.
Lettre 11
Le 6 janvier 1916
Chers parents,
J'ai bien reçu la lettre d'Yvonne du 27, mais maman ne m'écrit pas souvent, elle n'est pas malade ?
Je vous remercie tous pour les souhaits de bonne année que vous m'avez envoyés. J'espère que maintenant vous avez reçu ma lettre. Mon caporal fourrier n'a pas été relevé, il n'y a que les sergents fourriers.
Quant aux guêtres,je les avait rapportéesde Verdun.
Je n'ai reçu qu'une lettre de Suzanne Desfosses depuis que je suis renté, cela fait deux ou trois que je lui envoie et toujours point de réponse.Vous savez sûrement comment nous avons passé Noël.Quant au 1er janvier il fut à peu près pareil puisque nous sommes descendus hier soir des tranchées et cela faisait 8 jours que nous y étions. Dans 3 jours nous y remontons pour 12 jours.Quant au "rab", comme dit Yvonne, ça n'a pas été fameux : 1 cigare de 2 ronds !!!!! 2 pommes et 1 bouteille de mousseux pour 4, vous voyez d'ici quelle noce !!!Nous sommes en ce moment au Nord-Est à Beaumont (pas en Auge) à droite du Bois de Consenvoye, le secteur est tranquille mais qu'est-ce qu'il y a comme boue !
J'ai eu aussi des nouvelles de Ti Louis il y a quelques jours.Pauvre Maurice, une grippe !!
Ce qu'il doit être malheureux, et dire que je ne peux même pas avoir un rhume.
Je vous envoie ci-joint une photo prise voilà quelques jours, j'espère qu'elle vous fera plaisir.
Bien le bonjour à tous et à bientôt de vous lire.
Je vous embrasse bien affectueusement.
André.
Lettre 12
Le 28 janvier 1916
Chers parents et chères soeurs,
J'ai reçu ce soir votre petit journal du 24, ainsi que le mandatde 25 f. Je remercie de grand coeur mais malheureusement nous ne sommes déjà plis à Ch. depuis 5 jours, enfin peut-être y retournerons-nous d'ici quelques jours mais certainement pas pour longtemps. Mais je vais être embêté pour le changer car le vaguemestre ne vient pas jusqu'à notre cantonnement, la prochaine fois vous pouvez sans crainte envoyer des billets, il n'y a aucun danger. J'accepte de bon coeur cependant ces "3 sous" comme dit papa, d'autant plus qu'il ya joint quelques mots et que ça n'arrive pas tous les jours, décidèment aujourd'hui je vais le marquer d'un caillou blanc, qu'en pensez-vous ?
J'ai reçu hier soir le petit colis que vous m'avez envoyé par la poste, merci pour tout ce qu'il contenait et un deuxième pour la bouteille d'eau de Cologne.
En ce moment nous faisons des travaux de nuit de minuit à 5h du matin et ce n'estpas le plus intéressant car les nuits sont un peu froides, mais nous avons tout le reste du temps pour nous reposer.
Eugène est toujours là aussi, il vous souhaite le bonjour. Quant àTi Louis voilà déjà quelques temps que jen'en ai pas eu de nouvelles mais je pense qu'il est toujours au dépôt à Coufalers.
Je suis heureux que ma photo vous aiefait plaisir, mais je crois qu'Yvonne m'achète un peu, enfin, mais je n'ai pas de monnaie !!
Bien le bonjour à tous de ma part.
Je vous embrasse tous les cinq affectueusement.
André.
Lettre 13
Le 30 janvier 1916
Ma chère Denise,
J'ai reçu ta lettre du 22, laquelle m'a fait d'ailleurs bien plaisir. Sais-tu que tu deviens très forte en français, est-ce bien vrai seulement que tu l'as écrite toute seule ?
Je vais donc te faire ou te faire faire une bague et aussitôt je te l'enverrai, mais tu es donc si coquette que cela ?
J'espère bien que tu me feras l'honneur d'une lettre ou d'une carte de temps en temps. En attendant je t'embrasse bien fort.
Ton frère,André.
Lettre 14
Le 6 février 1916
Chers parents,
J'ai bien reçu votre lettre du 2 février, je suis heureux de vous savoir tous en bonne santé. Quant à moi cela va à peu près à part une extinction de voix que j'ai attrapée voilà quelques jours au cours des travaux de nuit.
Pour les permissions, je pense y aller dans le courant de mars, s'il n'y a pas de suspension d'ici là car c'est la mode au régiment, mais ça ne nous change pas.
J'ai lu en effet sur les journaux, les randonnées de [mot effacé], ça, ça ne pourra faire que du bien aux Parisiens, ils ne savent pas assez que nous sommes en guerre ces gens-là, le plus malheureux c'est qu'il y a eu tant de victimes.
Vous avez dû maintenant recevoir la lettre vous faisant part du reçu de mandat, bon voilà que je déraille, je voulais dire que je l'ai touché.J'ai écrit aussi à Denise, elle doit l'avoir maintenant.
Eugène vous souhaite le bonjour, il va toujours bien.
Mes amitiés à tous. Je vous embrasse de tout coeur.
A. Josse
Lettre 15
Le 18 février 1916
Chers parents,
J'ai bien reçu toutes vos dernières lettres et vous remercie pour le colis que vous m'envoyez par la poste.
Je n'ai pas pu vous répondre plus tôt car,depuis 6 jours,nous sommes continuellement en alerte.
En ce moment nous occupons des tranchées qui n'ont jamais été habitées c'est vous dire s'il y fait beau, nos abris sont de véritables passoires à eau et il y pleut plus que dehors. Et pourtant je vous promets qu'il en tombe depuis 2 jours que nous sommes arrivés, les hommes n'ont pas encore pu se sécher. Aussi je n'ai guère besoin de vous dire si on a du goût à écrire, avec ça de la boue jusqu'au genou et un temps effroyable.
A part cela, je vais bien, mais nous traversons une mauvais passe.
Je vous écrirai plus longuement si nous allons au repos, mais ne vous effrayez pas si vous ne recevez rien, c'estque nous serons restés plus longtemps que je ne le pense.
Bien le bonjour à tous de ma part. Je vous embrasse de tout coeur.
A. Josse
PS : Inutile non plus de vous dire si les permissions sont suspendues, je ne sais plus quand j'irai.
Lettre 16
Le 17 mars 1916
Chers parents,
J'ai reçu ce matin votre lettre du 11 ainsi que le mandat et je vous remercie d'autant plus que nous serons 5. Josselin était à la même compagnie que nous en temps de paix, c'était,vous devez vous en rappeler,le copain à Ruecht puisqu'étant du même patelin, et par suite le mien, je vous ai souvent dit que nous étions 3 copains, eh bien c'est le troisième.
Un des deux autres est le petit Damé auquel Yvonne avait écrit une lettre il y a déjà longtemps, peut-être s'en rappellera t-elle.
Vous vous étonnez que mes plaies suppurent toujours mais c'est tout naturel. Vous devez comprendre qu'un trou qui traverse le bras dans la plus grande épaisseur doit nécessairemment suppurer, ça ne se guérit pas en 3 semaines, seulement après mon opération,j'ai été pendant quelques jours où ça ne coulait pas puisque c'était à vif. Après on m'a fait mon pansement tous les jours, maintenant c'est seulement tous les 2 jours, doncça va mieux, mais il y a évidemment plus de pus au bout de 2 jours qu'au bout d'un seul. L'essentiel est que çanefait pas souffrir. Il n'y a qu'un petit inconvénient c'est que ce satané plâtre me tire sur le cou.
J'ai reçu ce matin également des nouvelles du bataillon par le sergent majorde la 4e. Blessé lui aussi et en traitement à St Chamond. Il en est revenu 98 sur 4 compagnies c'est-à-dire environ 800 hommes, et 2 officiers, le colonel et le commandant ont été tués.
Vous voyez que ceux qui s'en sont tirés sont passés par une belle porte.
Suzanne devait venir dimanche me voir mais je lui ai écrit de venir un autre jour.
Là-dessus je m'arrête.
Bien le bonjour aux parents et amis et à bientôt de vos nouvelles.
Je vous embrasse de tout coeur.
A. Josse
Lettre 17
Le 7 juin 1916
Chers parents,
J'ai bien reçu votre lettre dernière. Ici il n'y a rien de neuf, mon bras est toujours le même, pas plus solide que lorsque je suis venu. On doit me faire un petit appareil pour le tenir. Je verrai ce qui en résultera, si ça ne marche pas je serai probablement obligé de me le faire consolider d'uneautre manière, de toute manière le temps passe et c'estl'essentiel car croyez bien que je n'ai pas l'envie d'y retourner et que je ferai bien mon possible pour cela.
J'ai vu Ti Louis voilà 10 jours et je vous envoie ci-joint un exemplaire de notre tête, ce n'est pas très bien mais enfin !
J'espère que ma lettre vous trouvera tous en bonne santé. A quand la communion de Denise ?
Bien le bonjour à tous, parents et amis et à bientôt de vos nouvelles.
Je vous embrasse de tout coeur.
A. Josse.
Lettre 18
Le 18 juillet 1916
Chers parents,
J'ai bien reçu votre lettre ainsi que les 20 francs que papam'a envoyés mais je crois bien que je n'en aurais pas assez car j'ai fait tailler ma capote et il faut que je fasse ressemeller mes souliers. Avec ça Ti Louis et Josselin qui viennent dimanche.
J'ai bien reçu aussi le colis, c'est à peu près ce que je voulais et je vous remercie. Je pense bien que mes deux copains sauront goûter le calvados comme il convient à son âge.
Mon bras est toujours la même chose, je pense que d'ici une quinzaine de jours on va m'enlever le plâtre, d'ici là je ne puis dire comment ça va.
J'ai écrit à Eugène il y a déjà quelques temps, je crois qu'il doit avoir ma lettre maintenant.
En tout cas voilà les renseignements qu'il demande : Babylotte est revenu sain et sauf avec Jabet et Rozelet, ce sont les trois seuls. Babylotte est maintenant lieutenant à 2 galons et décoré dela légion d'honneur, Rozelet est sergent major; quant à Denis je n'en ai aucune nouvelle, je le pensais prisonnier.J'enverrai d'ici peu des cartes aux réclamants.
Merci à Denise pour les quelques mots qu'elleadaigné m'écrire, mais je crois qu'elle est comme Yvonne.Bien le bonjour aux parents et amis et à bientôt de vos nouvelles.
Je vous embrasse de tout coeur.
A. Josse
PS : J'ai vu le fils James samedi, j'ai diné avec lui dimanche et suis sorti hier soir avec lui mais ... encore des dépenses à faire.
Ma chère Suzanne,
J'ai reçu ta lettre ce matin, tu vois que je ne tarde pas à te répondre. Fais ce que tu voudras, mais si tu ne trouves rien fais un mouchoir comme je te l'ai dit avec l'initiale M. Fais d'abord ça, l'autre n'est pas si pressé, surtout je l'attends pour le 29, d'ailleurs connaissant tes capacités je suis tranquille et je te remercie à l'avance.
Je vois que tu as bien du travail, les poulets, le chien, etc... mais c'est surtout les poulets qui m'intéressent, soigne les bien ces pauvres chéris !!
Je m'arrête car c'est la soupe.
Je t'embrasse bien fort.
Ton frère, André.
Lettre 19
Le 19 août 1916
Chers parents,
Voilà déjà quelques temps que je n'ai pas reçu de vos nouvelles, je pense bien quand même que vous n'êtes pas malades puisque les soeurs sont parties à Rouen.
Quant à moi cela va toujours pareil, on va m'enlever mon plâtre je crois aujourd'hui ou demain, je n'en suis pas fâché.Mon ami Josselin est en ce moment ici pour passer la réforme, le veinard il est resté un mois et demi au dépôt, cela fait déjà deux semaines qu'il est à Limoges.
J'ai bien reçu le colis que vous m'avez envoyé il y a quelques jours, je vous remercie mais j'ai bien peur de ne pas porter beaucoup les pantalons car il fait un temps de chien depuis quelques jours et avec ça la chaleur est passée. Je voudrais bien que vous m'envoyiez aussi ce qu'il faut pour me raser car je me sers un peu de ma main et j'aime mieux que d'aller chez le coiffeur. J'y attrape des boutons sur la figure à chaque fois.Maintenant autre chose, je vous avais parlé de prendre del'argent sur mon livret, j'y reviens, ça m'ennuie trop que vous ayez toujours à m'en donner, s'il n'en reste plus ma foi tant pis, tâchez de m'en envoyer cette semaine. Quand je vais pouvoir me servir de mon bras un peu plus je vais tahcer de trouver quelque chose pour travailler un peu.
Bien le bonjour à tous de ma part et à bientôt de vos nouvelles.
Je vous embrasse de tout coeur.
A. Josse.
Merci à Régine Charlemaine de nous avoir confié les lettres d'André Josse.
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- Dernière mise à jour : 07/11/2018