Lisieux, le bureau de Poste principal
Si Louis XI a créé la Poste en 1477, il faut attendre le règne de Henri IV pour que le public puisse bénéficier de l’institution. A Lisieux, la rue du Bailly (actuelle rue A. Briand) portait, en 1794, le nom de rue de la Poste aux lettres[1], premier nom révolutionnaire de son tronçon sud, de l’église Saint-Jacques à la rue Henry Chéron, initialement « rue du Bailli » ; il fut changé en rue de la Paix en 1794.
La Poste fut ensuite transférée successivementau n° 7 de la place Royale (place François Mitterrand), en face de l’actuelle Poste, à l’autre angle de la rue Condorcet ; rue des Mathurins (rue Pierre Colombe) ; au n° 11 rue du Bouteiller (rue du Docteur Degrenne) en 1869 ; fin janvier 1883, le journal Le Normand publie un avis annonçant son transfert le 1er février, dans l’ancienne maison de M. Lampérière, au n° 103 Grande-Rue (rue Henry Chéron), à l’emplacement actuel du magasin Eurodif. Elle est désaffectée en juin 1912.
Décision de construire un nouvel Hôtel des Postes à l’emplacement de l’ancienne prison – (bâtiment 1)
Le bâtiment tel que nous le voyons aujourd’hui a été construit en quatre épisodes et la première partie, à l’angle de l’actuelle place Mitterrand et de la rue Condorcet, a été inaugurée en 1912. Le projet remontait à 1908.
Le 13 mai de cette année, le maire, Joseph Guillonneau informe son conseil municipal qu’il tient à ce que l’emplacement choisi pour le nouvel hôtel des Postes soit celui de l’ancienne prison, qui va devenir vacante par suite de la construction de la prison nouvelle (boulevard Nicolas Oresme, détruite l’été 1994). Le conseil approuve sa proposition à l’unanimité.
Quelques éléments du devis de construction
Si l’ensemble du devis du corps de construction est classique, quelques détails concernant la décoration sont à signaler. Pour le pignon donnant sur la place, il est prévu un médaillon en sculpture pour 1 200 f., un balcon avec porte-mains et pilastres pour 900 F., 2 baies en sculpture pour 700 f. et 2 pendentifs pour 100 f.
L’horloge
Le 31 mai 1911, les établissements Henry Lepaute de Paris proposent au maire de Lisieux l’installation de « tous appareils d’horlogerie mécanique ou électrique dont vous pourriez avoir besoin », pour la construction de l’hôtel des Postes. Ceci concerne probablement l’horloge extérieure.
Le décor de la façade de la Poste
Le pignon d’entrée de la Poste donnant sur la place Mitterrand porte différents décors marqués de symboles. Mathilde Leroux-Hennard en a donné une description dans le Bulletin de la Société historique de Lisieux, n°74 :
"La façade sud présente 3 niveaux, des combles et un soubassement. Sa monumentalité est principalement imposée par son ornement.
Le rez-de-chaussée, accessible par un perron, constitue l’entrée principale du public à l’intérieur du bâtiment. Le portail, en fer forgé, affiche le blason portant les armes de la commune de Lisieux, que l’on retrouve dans le couronnement surmontant les baies du soubassement avec les L (inversé) L. De part et d’autre, deux lanternes étaient suspendues, comme en témoigne l’iconographie ancienne.
L’élément principal de l’étage, outre l’ouverture par une porte-fenêtre surmontée de la baie du niveau supérieur et reliant ainsi les deux étages, réside dans le balcon à balustrade, supporté par deux épaisses consoles.
Le dernier niveau, situé au niveau des combles, présente un riche décor sculpté. Encadrant latéralement la fenêtre, deux oculi à décor de cuir sont soulignés par des motifs végétaux entourés de guirlandes, de grappes de fruits et de volutes à feuillages. Émergeant du toit, surplombant la fenêtre, la sculpture représentant le caducée de Mercure domine la façade. Symbole des P.T.T, il manifeste l’appartenance au territoire national et au service public. Surmonté d’une paire d’ailes, deux serpents s’enroulent de façon symétrique autour d’un bâton en olivier. Leurs têtes sont tournées l’une vers l’autre. Surmontant le caducée, probablement le visage de la déesse Fortune, qui apporte l’abondance (cornes de part et d’autre) et encourage le commerce avec le caducée de Mercure, le dieu du commerce, du profit, de l’ingéniosité et des voyageurs. L’horloge monumentale, qui a remplacé le cadran solaire de la prison, surmontée d’un lion, vient couronner ce décor éclectiquement fastueux.
Le bureau de poste, hôtel monumental à Lisieux, illustre les évolutions de l’entreprise, mais également celles de la société lexovienne.
Emblématique, son architecture est le reflet d’une histoire collective."
Le plafond peint de l’artiste lexovien Robert Salles
Robert Salles est né à Lisieux le 17 mai 1871 et mort à Paris le 27 novembre 1929. Il fréquenta le collège de Lisieux et suivit les cours de l’école municipale de dessin dirigée par M. Doesnard. Outre le plafond de la Poste de Lisieux créé en 1912, il peignit, principalement jusqu’en 1927, des scènes historiques, des scènes de genre et des portraits.
Le musée de Lisieux conserve quelques unes de ses œuvres, dont Hercule entre le Vice et la Vertu qu’il présenta aux sélections du concours du Prix de Rome en 1899. Son plafond peint de la Poste de Lisieux « Les Heures » était d’une grande qualité artistique pour un bâtiment public. Diversement apprécié des lexoviens, il entraîna l’admiration des uns et de sévères critiques de certains se déclarant « amis des Arts ».
La Revue Illustrée du Calvados de juillet 1912 en a donné un descriptif, dont ces quelques extraits :
« Le centre de ce plafond comprend un globe terrestre poursuivant sa marche mathématique dans l’éther, au milieu des constellations. Tout autour, en or froid, le zodiaque détache sur le fond azur, ses lignes Kabalistiques. Une première moulure limite le firmament et c’est au-delà que se développe, en une vaste couronne, l’ensemble des 24 sujets (Les Heures) par lesquels l’artiste a personnalisé les heures. Dans l’antiquité, les Heures, filles de Jupiter, chastes nudités à demi cachées sous leurs voiles remplissaient les fonctions chargées d’ouvrir et de fermer les portes du Ciel. On les représentait, les unes et les autres, jeunes, belles, parfumées, formant des chœurs et des danses avec des Grâces, tandis que les Muses chantaient. Ce sont ces pures inspirations que Robert Salles a suivies pas à pas, sauf pour le groupe de 11 heures, midi et une heure qu’il a dû adapter à la destination du monument ».
Les 8 panneaux peints sur toile constituant ce décor ont été déposés en 1958. Ils sont aujourd’hui conservés au musée de Lisieux.
Les fêtes d’inauguration de l’Hôtel des Postes du 22 au 24 juin 1912
Pour les grandes fêtes d’inauguration des 22, 23 et 24 juin, la ville de Lisieux attendait la visite officielle de M.M. Pams, ministre de l’agriculture et Chaumet, sous-secrétaire d’Etat des Postes et Télégraphes. Les fêtes du dimanche 23 juin furent réellement présidées par M. Steeg, Ministre de l’Intérieur, remplaçant au dernier moment son collègue de l’Agriculture, M. Pams, empêché et M. Chaumet, sous-secrétaire d’Etat aux Postes et Télégraphes. Les ministres furent reçus à la gare, par la municipalité de Lisieux, à laquelle s’étaient joints les représentants et notabilités politiques et administratives de l’arrondissement et du département. Six cents convives prirent part au grand banquet populaire, à la fin duquel les personnalités prononcèrent des discours.
Après l’inauguration du nouveau monument, les ministres et leur suite assistèrent quelques instants à la fête des fleurs qui avait lieu au Jardin public. Ils visitèrent ensuite l’hôpital-hospice, présidèrent la distribution des récompenses du concours agricole de la ville et assistèrent à un grand dîner qui leur était offert dans les salons de l’Hôtel de Ville. Une fête de nuit splendide et des réjouissances de quartier eurent lieu au Jardin public et dans toute la ville, avec le concours des sociétés de musique de la région.
Projet d’une seconde construction (bâtiment 2) avec, initialement, le rez-de-chaussée à l’usage de la Poste et les deux étages à celui de la ville de Lisieux
Le 13 janvier 1912, la commission municipale a décidé de faire exécuter la démolition de la partie restante de l’ancienne prison de 15 mètres 40 cm de longueur environ, à partir du pignon est de l’hôtel des Postes. Cette commission a également décidé de construire un nouveau bâtiment en prolongement de l’hôtel des Postes. Il comprendra 3 salles et 1 grenier ayant respectivement 14m30 de long et 8m80 de large. Ces pièces pourront être utilisées pour les besoins des services communaux jusqu’au jour où l’administration des Postes nous demandera à agrandir l’Hôtel des Postes. Cet agrandissement se remarque rue Condorcet au niveau de la jonction avec la troisième partie et, comme pour les agrandissements suivants, également au niveau des toitures, ce qui est particulièrement visible de l’escalier de la cour Matignon. L’administration des Poste occupera le rez-de-chaussée à construire (bâtiment 2). La ville utilisera les deux étages.
En 1914, ce nouveau bâtiment est construit, mais il n’est pas encore occupé par l’administration des Postes, aussi, le 25 mai 1914, la municipalité envisage d'y transférer la bibliothèque ou la collection d’animaux empaillés de M. Emile Anfrie, naturaliste d’origine lexovienne. Ces projets n’eurent pas de suite et la Poste occupa rapidement les salles, sauf celle dite « Matignon ».
En 1926, l’administration des Postes demande à la ville de lui céder cette salle Matignon pour faire face à l’augmentation du trafic[2]. Le projet est adopté le 22 novembre 1927. On y ouvre de nouveaux guichets et une nouvelle entrée.
Projet d’une troisième construction (bâtiment 3)
Le 25 mai 1950, maître Lamy, rapporteur de la commission des travaux, fait part au conseil municipal d’une nécessité d’extension de l’Hôtel des Postes existant, propriété de la ville. La construction d’un nouvel édifice se fera sur place ou sur un autre site. Cette seconde hypothèse devait être rapidement écartée, étant donné que le plan d’urbanisation de la ville ne permettait pas de trouver le terrain nécessaire à cette construction et, que d’autre part, les dépenses à supporter par la ville de Lisieux seraient hors de proportion avec ses possibilités financières. Par conséquent, la première hypothèse fut retenue avec l’utilisation de l’immeuble existant et une nouvelle construction. Il fut convenu d’une cession à titre gratuit des anciens bâtiments à l’administration des P.T.T., celle-ci prenant à sa charge la construction de l’extension. L’opération fut effective le 19 janvier 1952.
Il fallut attendre encore presque 10 années, jusqu’au 10 janvier 1961, pour l’ouverture de ce nouveau central téléphonique et postal de Lisieux[3].
Extension du central téléphonique, bâtiment 4
Douze ans plus tard, le 27 juillet 1972, le docteur Bisson, député-maire de Lisieux, fait part d’une demande du chef du Centre Téléphonique de Lisieux, sur la nécessité de réaliser une extension importante du central téléphonique au cours des 10 prochaines années pour répondre au développement du trafic. Dans la négative, il faudrait envisager la construction d’un nouveau Centre indépendant du bureau de Poste actuel. La commission plénière donne son accord à cette demande, sous réserve toutefois : « que l’immeuble à construire présente une façade d’expression plus contemporaine que celle précédemment réalisée, que l’accès au Jardin public face à la rue Condorcet soit conservé ».
Le 14 juin 1974, il est convenu que l’administration des Postes devra réaménager l’emplacement de l’ancienne propriété Bisson, 4 et 6 rue Condorcet, détruite pour cette dernière extension de la Poste, et mettre en place, à partir de la rue Condorcet, un nouvel escalier d’accès au jardin public avant même que n’intervienne la démolition de l’escalier actuel.
Début 1977, la direction opérationnelle des Télécommunications faisait savoir que : « l’évolution des besoins en équipements de communications est telle qu’il est nécessaire d’envisager la possibilité d’édifier un bâtiment plus important que prévu. ». Elle demande une parcelle complémentaire de terrain pour une surface évaluée à 184 m2. Le contrat de vente est enregistré le 3 mars 1978, sous le mandat de A. E. Baugé, nouveau maire ayant succédé au docteur Bisson en 1977[4].
La mise en service du nouveau central téléphonique eut lieu le 30 mars 1982[5].
La réalisation de cette opération aura bien duré 10 ans, comme l’envisageait le directeur du centre téléphonique lors de ses premiers contacts avec la mairie de Lisieux.
Extraits du Bulletin de la Société historique de Lisieux, n° 74, automne 2012 :
- Mathilde Leroux-Hennard, Directrice du Pôle Muséal Lisieux Pays-d’Auge : La façade sud de la Poste à Lisieux sur la place Mitterrand.
- Daniel Deshayes, président de la Société historique de Lisieux : Le bureau de Poste principal de Lisieux a cent ans et Le Lexovien Robert Salles et le plafond peint de la Poste de Lisieux.
[1] Dominique Fournier : Dictionnaire des noms de rues et lieux-dits de Lisieux.
[2] La salle Matignon occupait une partie de la salle originairement prévue en totalité pour le public du bureau de Postes. On y organisait différentes manifestations, comme une exposition de peinture, en août 1919, au bénéfice de la ville de Pérenchies, filleule de celle de Lisieux.
[3] Le Lexovien, 13 janvier 1961.
[4] Extraits des registres de délibérations du Conseil municipal, aimablement remis par la mairie de Lisieux.
[5] Information M. Michel Philippe.
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- Modérateurs : Jean Bergeret
- Dernière mise à jour : 10/06/2013