Basseneville. Eglise Notre-Dame de l'Assomption.
Peintures et sculptures
L’église de Basseneville est sous l’invocation de la Vierge.
Une inscription, derrière le maître-autel, nous indique, en effet et en latin, que, dans cette église, est vénérée la bienheureuse Vierge Marie dans son Assomption et que l’on y célébrera aussi l’adoration du Saint Sacrement.
Dans ces lignes nous nous occuperons de la piété à la Vierge.
Le culte à la Vierge est un culte très pratiqué en Normandie, dont la dévotion populaire se partage en deux : l’une à saint Martin, l’autre à la Vierge. Et c’est donc dans ce courant que les œuvres qui se trouvent dans cette église s’inscrivent.
Au fur et à mesure des années ou des siècles, les œuvres déposées dans l’église racontent, que ce soit d’une manière consciente ou inconsciente, plus les différentes étapes de la vie de la Vierge que ses miracles. En effet aucun tableau n’évoque les différentes croyances populaires normandes du culte à la Vierge : Notre-Dame du Bon-Port, Notre-Dame du Bon Secours, Notre-Dame de la Bonté, Notre-Dame des Chaînes (la Vierge des prisonniers), Notre-Dame de la Délivrande et Notre-Dame de Grâce.
Ici la Vierge est évoquée de deux manières : les épisodes de sa vie mortelle et post mortem d’une part et les représentations du dogme marial validées par les plus hautes instances religieuses : Immaculée Conception et Notre-Dame de Lourdes.
Les épisodes de sa vie mortelle et post-mortem :
Education de la Vierge
Comme pour la plupart des thèmes mariaux (Assomption, Couronnement, Dormition), l’Education de la Vierge n’est pas évoquée par les Evangélistes canoniques.
Le tableau qui représente cet épisode montre la Vierge enfant, un ruban bleu dans les cheveux, un manteau bleu drapé autour des épaules et les joues rosies par l’effort. Elle s’efforce de lire un texte dessiné sur un parchemin, que lui présente sa mère Anne. Cette dernière est assise sur un large fauteuil sur lequel s’appuie le père, Joachim.
Cette peinture est une copie d’une peinture très connue de Jean Jouvenet, peintre né à Rouen en 1644 et décédé à Paris en 1717. Jean Jouvenet s’est formé dans sa ville natale et part à Paris en 1661 à l’âge de 17 ans.
A cette époque, la vie artistique parisienne est dominée par les corporations de peintres, par l’Académie royale de peinture créée en 1648, par Versailles et par Charles Le Brun, figure dominante des années 1660-1680.
Le Brun meurt en 1690 et ce décès permet l’émergence d’un nouveau courant de peintures, dans lequel s’inscrit Jouvenet. Il excelle dans la disposition des figures isolées sur de très grandes surfaces et finit par devenir l’un des principaux peintres religieux de la fin du XVIIème siècle. A ce titre ses œuvres sont copiées.
Jouvenet a peint plusieurs versions de l’Education de la Vierge. L’une d’entre elles (datée de 1700) se trouve aux Offices de Florence. Cette version correspond à celle de Basseneville. Les œuvres de Jouvenet ont été vulgarisées par la gravure, celle-ci permettant la diffusion des originaux à succès dans toutes les provinces de France et donc en Normandie et plus précisément à Basseneville.
Sous les gravures de l’Education de la Vierge de Jouvenet, un sous titre apparaît : Ste Anne, modèle des mères chrétiennes. Ce tableau est donc censé avoir non seulement un rôle éducatif chrétien mais aussi un rôle moralisateur : les femmes de Basseneville sont priées d’éduquer leur fille et de leur apprendre et de transmettre la foi de leurs ancêtres.
La Sainte Famille
L’œuvre présentée au revers de la façade occidentale de l’église est aussi une copie d’une gravure, elle même interprétation d’une toile du XVIIè me siècle.
On y reconnaît la Vierge, l’Enfant Jésus, Jean-Baptiste reconnaissable à l’Agneau, Joseph, Zacharie et Ste Elisabeth. L’œuvre originale est une peinture de Sébastien Bourdon (1616 – 1671). Bourdon est plus jeune d’une trentaine d’années que Jouvenet. Le milieu artistique dans lequel il va évoluer sera forcément différent.
Il s’agit du milieu parisien de la fin du règne de Louis XIII. Poussin est à Paris en 1640 – 1642. Il propose un art sobre et harmonieux. Sébastien Bourdon va adhérer à ce mouvement, connu comme étant celui de l’atticisme parisien, marqué par le goût pour la mesure et les couleurs franches. Mais l’œuvre La Sainte Famille de Basseneville relève plus de sa première manière de composer : un certain lyrisme s’en dégage.
L’œuvre La Sainte Famille est connue par une gravure de François de Poilly l'aîné (1622-1693) qui se trouve au Harvard Art Museum aux Etats Unis. Mais entre la gravure et l’œuvre de Basseneville, il existe beaucoup de différences . Dans la gravure, on note bien la Vierge, l’Enfant Jésus, St Jean-Baptiste, le berceau sur lequel s’appuie la Vierge, St Joseph. Mais à Basseneville, St Joseph est devenu Zacharie, l’ange est devenu Ste Elizabeth et St Joseph apparaît derrière l’arbre, presque caché, ce qui n’était pas le cas dans l’original.
Le copieur de Basseneville a pris des libertés avec l’œuvre originale.
L’Assomption
Quittons la vie réelle de la Vierge pour les représentations qui ont été faites de sa vie post- mortem.
La première d’entre elles est celle de son Assomption. La croyance en l’Assomption de Marie, qui s’élève au ciel après sa mort, met très longtemps à s’imposer. Cette tradition ne procède d’aucune référence précise dans l’Ecriture.
Dans l’Eglise d’Orient, on fête la Dormition de la Vierge, c’est-à-dire le « sommeil » de la Vierge et l’élévation de l’âme seule de cette dernière. En Occident, la doctrine de l’Assomption corporelle de la Vierge prend forme entre le IXè et le XIIè siècle. Elle est confirmée par les grands théologiens médiévaux : Bernard de Clairvaux, Bonaventure et Albert le Grand. Mais ce n’est qu’en 1950 que le dogme de l’Assomption de la Vierge a été proclamé par Pie XII.
A Basseneville, nous avons quatre représentations de l’Assomption qui correspondent à la vision occidentale de cet événement : La Vierge monte au ciel portée par des anges.
L’un des premiers exemples, en France, de l’iconographie de l’Assomption de la Vierge se trouve, au XVIème siècle, dans un vitrail de l’église Saint-Nicolas de Tolentin de Brou. En bas, des apôtres se penchent sur le tombeau de la Vierge qui est ouvert et rempli de fleurs. Au registre supérieur, la Vierge monte au ciel accompagnée des anges. C’est cette iconographie que nous avons dans le tableau du retable du maître-autel.
L’Assomption du retable du maître-autel :
Depuis le Concile de Trente (1545-1563), les retables des maître-autels des églises illustrent le credo de l’église. Entre les décrets du Concile et leur application dans l’ornementation des lieux de culte, il y a le rôle déterminant du clergé, des communautés paroissiales, des commanditaires et des artistes. Tous reflètent l’expression de la croyance populaire et de la croyance officielle. C’est un enjeu formidable.
A Basseneville, le nom d’un artisan qui a sans doute travaillé au maître-autel est connu par une inscription qui se trouve à l’arrière : Robert Feray y a travaillé en 1719. On ne sait quel était son métier, mais cette date, 1719, début XVIIIème siècle, correspond à la composition du retable du maître-autel : fronton arrondi surbaissé supporté par deux fois deux colonnes à chapiteaux composites.
Quant aux commanditaires, on peut supposer qu’ils sont symbolisés par les deux écussons, surmontés d’une couronne de marquis. Le premier est de gueules à 3 pals d’or, le deuxième est d’azur au chevron d’or accompagné en chef de deux branches de lys et, en pointe, d’une lyre de même. Ces armoiries n’ont pas été reconnues.
Le tableau est une copie d’une œuvre de Laurent de La Hyre, actuellement conservée au Musée du Louvre.
Laurent de La Hyre (1606-1656) précède de dix ans Sébastien Bourdon et appartient à l’atticisme parisien que l’on a vu avec ce dernier. Son style évolue, comme celui de Bourdon, vers plus de retenue qu’au début de sa carrière. L’œuvre originale est datée de 1635 et appartient à son premier style : couleurs chaudes largement brossées. Son organisation permet d’évoquer sur deux registres l’Assomption de la Vierge :
-En bas, le registre terrestre avec le donateur ( ?) en bas à gauche et les apôtres assemblés autour du tombeau vide de la Vierge.
-En haut, le registre céleste avec la Vierge avec des anges et une colombe du St-Esprit.
Quelles sont les autres représentations de l’Assomption de la Vierge ?
L’Assomption du lutrin.
Peut-être du XVIIè ou du XVIIIè siècle, une Assomption couronne le lutrin, dont le fût rappelle ceux des épis de faîtage du Pré d’Auge, ornés d’un ovoïde, agrémenté de têtes de chérubins. Deux anges enserrent le bas de la robe de la Vierge.
Une statue
Au-dessus de l’autel latéral sud, une statue évoque l’Assomption de la Vierge : elle est assise sur une nuée, entourée de têtes d’angelots, les bras levés vers le ciel comme ses yeux.
Nous sommes en plein XIXème siècle, et en plein milieu d’une agitation spirituelle qui souhaitait que le Vatican reconnaisse l’Assomption de la Vierge, d’autant plus qu’en 1854, le Pape Pie IX avait proclamé le dogme de l’Immaculée Conception de la Vierge. De nombreuses pétitions parvenaient à Rome pour que soit officiellement défini le dogme de l’Assomption. De 1854 à 1945, 8 millions de fidèles écriront en ce sens au Vatican. Il faut y ajouter les pétitions de 1332 évêques et de 83 000 prêtres. En 1950, Pie XII institutionnalise la fête mariale qui existe depuis quatorze siècles en proclamant la croyance en l’Assomption.
C’est donc dans ce courant de contestation et de pression sur le Vatican que s’inscrit la présence de cette statue et des autres Assomptions de la Vierge dans l’église de Basseneville.
La peinture de Congnet ( ?)
C’est une œuvre classique dans sa forme. Elle est peut-être l’œuvre d’un Congnet en 1845, plus connu comme limonadier, puis comme pharmacien que comme peintre.
Une bannière avec au dos une représentation de St Loup.
Récemment restaurée, cette œuvre reprend le thème de la Vierge entourée d’angelots. Il s’agit d’une huile sur toile bi-face, dont l’autre côté montre un évêque avec à ses pieds un monstre (un loup ?), ce qui en permet l’identification : St Loup.
Vierge de Lourdes.
Après la première apparition de la Vierge qu’eut Bernadette Soubirous, le 11 février 1858, cette dernière la décrivit ainsi : Elle avait aperçu une dame vêtue de blanc. Elle portai une robe blanche, un voile blanc également, une ceinture bleue et une rose jaune sur chaque pied. La statue, qui se trouve sur le mur nord de la nef, correspond à cette description.
A Basseneville, comme dans toutes les autres églises, le tableau du maître-autel figure le titulaire de l’église. Ici, c’est l’Assomption de la Vierge. Mais nous avons vu que, jusqu’en 1950, c’était plus l’expression d’une croyance religieuse populaire que l’expression d’un dogme. Les œuvres de Basseneville témoignent, en tout cas, du foisonnement de la dévotion mariale à partir du XVIIè et du XVIIIème, mais aussi, on l’a vu, des différents courants de la peinture française : Laurent de La Hyre, Sébastien Bourdon puis Jouvenet et enfin le XIXème siècle.
Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de trouver dans cette église de Basseneville à la fois un témoignage de la foi populaire mais aussi une proposition de chronologie de la peinture française du XVIIè jusqu’au XIXème sicle.
Bibliographie :
- base Joconde
- Fiches d'inventaire des oeuvres de l'église de Basseneville par l'association "patrimoine cultuel et art sacré dans le Calvados."
- Jacques Le Maho, Les saints en Normandie : les saints dans la Normandie médiévale. Actes du colloque de Cerisy-la-Salle (26-29 septembre 1996) in Annales de Normandie, 51e année, n°4, 2001. Le monde rural, pp. 362-368.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/annor_0003-4134_2001_num_51_4_1342
- Arcisse de Caumont, Statistique monumentale du Calvados, 1867, ed. 1967.
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- Modérateurs : Jean Bergeret
- Dernière mise à jour : 12/06/2013